25 mars 2024
Publication du rapport de la grande étude nationale choral.fr menée par Guillaume Lurton.
Le 21 mars ont été dévoilés au Conseil Economique, Social et Environnemental les résultats de la grande enquête inter associative sur « Les chœurs amateurs et leurs chef·fe·s en France ».
Un projet mené par l'Institut Français d’Art Choral (IFAC), les fédérations À Cœur Joie et Confédération Musicale de France, l'INECC Mission Voix Lorraine , CEPRAVOI / Mission Voix en région Centre-Val de Loire, l'ARPA – Occitanie, la Cité de la Voix – Bourgogne/Franche-Comté et le laboratoire CEREGE de l'Université de Poitiers.
Conclusions du rapport
Le rapport complet de l'étude est disponible sur le site www.choral.fr, et nous vous livrons ici un résumé réalisé à partir de la conclusion du sociologue Guillaume Lurton (Université de Poitiers) qui a mené le travail d'analyse. Ce résumé n'engage évidemment pas l'auteur.
Un travail sera mené sur les territoires par l’ARPA sur la base de ces résultats pour réévaluer le cas échéant certains de ses axes stratégiques.
Permanences et évolution d'un univers musical amateur
L'enquête nationale sur les pratiques chorales amateurs confirme l'originalité du milieu choral et souligne sa profonde transformation sur vingt ans.
Sur le plan des répertoires, le milieu choral touche à des genres extrêmement divers, l'enquête confirme la permanence de la distribution du milieu choral en trois grandes catégories d'ensembles :
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spécialisés sur des répertoires dits “classiques”
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spécialisés sur les répertoires de musiques populaires (musiques actuelles ou traditionnelles)
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éclectiques.
La possibilité de cet éclectisme semble ressortir comme l'une des conditions permettant de toucher un public large, notamment hors des grands centres urbains.
Professionnalisation de la direction : un renouvellement générationnel en trompe l'œil?
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Cette population se féminise.
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De plus en plus de chefs se sont formés au conservatoire ou à l'université.
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D'autre part, la pratique de la direction se professionnalise. La rémunération du chef est désormais une pratique majoritaire.
Cette évolution découle d'un renouvellement générationnel et devrait s'accentuer dans les années à venir avec le vieillissement des bénévoles restants, et le nombre très limité de jeunes chefs amateurs.
Quelles perspectives pour les pratiques chorales en amateur ?
Au-delà des transformations constatées du milieu, quelles évolutions futures l'image que dégage l'enquête laisse-t-elle présager ?
Quelle évolution de la population des chefs de chœurs ?
L'enquête établit des constats partiels (augmentation de l'âge moyen des chefs, difficultés des chœurs à recruter) qui soulèvent la question du remplacement des chefs de chœurs.
La question qui se pose est celle de l'équilibre entre différents modèles de direction. La professionnalisation de la direction suffira-t-elle à compenser l'effacement progressif des chefs bénévoles ? Cette professionnalisation doit-elle être la seule voie d'évolution de la direction de chœur ?
Les classes de conservatoire jouent désormais un rôle central qu'elles n'avaient pas il y a deux décennies. Sont-elles suffisantes pour alimenter les besoins en direction du milieu amateurs ? Les chiffres interrogent : de 2015 à 2018, 95 Diplômes d'Etudes Musicales en direction délivrés ont été recensés. Même si les DEM ne sont qu'une fraction de l'ensemble des élèves des classes, le décalage avec l'ampleur des pratiques chorales est flagrant.
L'autre question que soulèvent les classes de direction est celle du profil et du devenir de leurs étudiants. Permettent-elles une bonne compréhension des enjeux propres à la pratiques chorale amateur des adultes ? Le rapport au répertoire qu'elles développent correspond-il à la réalité du milieu ? Et vers quelles perspectives de direction orientent-elles leurs étudiants ?
Les modèles de professionnalisation implicites des conservatoires sont en décalage partiel avec la réalité du milieu amateur. Elles correspondent à la perspective de l'interprète travaillant dans un milieu purement professionnel, ou à celle de l'enseignant spécialisé s'adressant en priorité à un public jeune dans le cadre d'une école de musique ou d'un conservatoire. Cette tendance à vraisemblablement contribué à dynamiser les pratiques chorales juvéniles au cours des dernières décennies, mais on l'a vu, les pratiques chorales amateurs reposent également sur un autre modèle.
Quel modèle de professionnalisation de la direction ?
Les conditions de la professionnalisation portée par le milieu le plus proche des professions musicales (statuts de l'enseignement spécialisé, intermittence du spectacle), semblent clairement différentes de celles du reste du milieu associatif.
Les conditions de rémunération de la direction sont-elles amenées à converger ? La multiplicité des rôles de chef (à la fois artiste, pédagogue, animateur, médiateur…), comme celle des univers où se déploie le chant choral (milieu associatif, enseignement spécialisé, milieu de l'animation socio-culturelle…) contribue sans doute à la diversité des pratiques de rémunérations. Il n'est pas exclu de voir perdurer une coexistence entre profils de professionnalisation distincts.
Quelle dynamique des pratiques chorales ?
Le modèle porté par les fédérations d'éducation populaire pendant plusieurs décennies reposait d'abord sur le rôle moteur de chefs bénévoles souvent issus du rang des choristes. La professionnalisation semble distendre le lien tissé entre chefs et ensembles. Les groupes dirigés par des professionnels ont moins souvent été fondés par leur chef, et voient leur direction changer plus fréquemment. La notion même de recrutement inverse la dynamique du milieu en faisant désormais reposer la pérennité du milieu choral sur l'existence de groupes constitués qui rechercheraient des chefs.
Le renouvellement de la population des chefs est-il suffisant pour répondre aux attentes des chœurs en recherche de chefs ? Symétriquement, quelles dynamiques sont aujourd'hui à l'origine de la création de nouveaux chœurs qui assureraient le renouvellement des ensembles ? Quel rôle les chefs professionnels jouent-ils dans ce cadre ? Quels autres acteurs, ou institutions se substituent au rôle militant des chefs bénévoles d'éducation populaire ?
Quels enjeux de connaissance du milieu choral ?
Si l'enquête éclaire de nombreuses évolutions du milieu choral, elle révèle également des points aveugles de notre connaissance de ces pratiques. Trois chantiers de recherches :
Connaissance des choristes amateurs adultes
Un premier enjeu déterminant à explorer est celui du profil des choristes. Deux séries de questions demandent à être explorées ici.
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L'évolution de la population des choristes. Assiste-t-on à un vieillissement et a un étiolement des pratiques chorales ? Ou à un renouvellement ?
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La sociographie des choristes. Quels sont les déterminants socio-professionnels et géographiques de la pratique chorale ?
Quelles formations à la direction pour quels chefs et quelles pratiques chorales ? L'enquête souligne que quelque soit leur profil, les chefs considèrent que leur formation n'était que partiellement en adéquation avec la réalité de la pratique de la direction auprès d'amateurs. Au delà de la diversité vraisemblable des situations, la prise en compte ou non des enjeux propres à la pratique amateur demanderait à être documenté plus précisément.
Connaissance des pratiques chorales juvéniles
L'enquête présentée dans le cadre de ce rapport explore les pratiques chorales amateurs hors de tout cursus pédagogique. Les pratiques chorales des enfants et adolescents sont donc largement invisible dans ces résultats. Elles sont pourtant un versant important du monde choral. Une connaissance plus fine de ces pratiques, des formes qu'elles prennent, des enjeux qu'elles soulèvent en termes d'encadrement et de formation… serait importante pour compléter la présente enquête.